Lac Titicaca
Ça y est, nous sommes au Pérou !
Direction Puno pour faire le tour des fameuses îles flottantes Uros.
Je vois arriver les gourmands que vous êtes. Ici, point d’oeufs en neige pochés et caramélisés, flottant sur une piètre crème anglaise trop sucrée et agrémentant les desserts de mariages conclus sur une communauté réduite au taquet.
Non. Pour commencer, les Uros forment un peuple ancestral des andes, complètement éteint depuis 1950.’ Au 13eme siècle, pour échapper aux Incas, ces Indiens partirent au large à bord de radeaux confectionnés en totora, une sorte de roseau foisonnant dans le lac Titicaca.
Ces radeaux seront assemblés pour constituer les premières îles flottantes de cette tribu.
Aujourd’hui, ces îles sont entretenues par les Indiens Aymaras de Puno, dans le but de développer le tourisme de masse, et ça fonctionne.
Des dizaines de bateaux chargés d’excursionnistes partent de Puno chaque jour, pour cet archipel aux comédies burlesques.
Dans ma “To Do Absolutely List”, j’ai : voguer paisiblement entre les totoras du lac Titicaca en Arche gonflable. À un mot près, c’est jouable, nous irons avec “Inca Noé”, notre canoë gonflable … .
Phonétique ment ! Je n’ai jamais dit que Noé était un cas, j’en suis Inca’pable.
Alors pourquoi pas visiter les îles par nos propres moyens ? Je cherche des retours d’expériences sur d’éventuels voyageurs ayant tenté l’expérience : rien.
Nous longeons les rives du lac en vue de trouver un endroit sûr pour laisser le camping-car, qui soit facilement accessible à l’eau et au plus court car le ciel est menaçant.
Les accès sont très compliqués, voire impossibles. Reste une solution : un complexe hôtelier posé sur une presqu’île, doté de son propre accès au lac, à seulement trois gros kilomètres de l’archipel. L’idéal !
Nous empruntons la route qui mène à la presqu’île et rapidement, nous nous trouvons face à une barrière équipée d’un garde sapé de son plus bel uniforme de sentinelle du dimanche. Nous sommes lundi, et lundi tout est permis. Je tente de négocier l’entrée dans le complexe pour seulement utiliser leur parking et l’accès à leur appontement. Je me fais jeter en public pour une jetée privée !
Sur ce, je ne me dégonfle pas, à l’instar de notre canoë prêt à prendre le large : s’il y a un hôtel, il y a sûrement un restaurant. Ça tombe bien, nous avons faim. Lève ta barrière mon Javier ou je te mords le derrière ! (Prononcez “Ravière” pour “Javier”, sinon c’est le flop !)
Ce dernier s’exécute et nous montons au parking de l’hôtel. C’est du grand standing, nous faisons un peu “tâche” dans le hall d’entrée, en crocs chinoises de contrebande, roses pour Manue et vertes pour ma pomme. Nous allons au bout de la démarche, évitons la cireuse de sol rotative anesthésiant nos narines à la peine (à part Ted, le réceptionniste)*, demandons la carte du restaurant …. 56 dollars US le menu du jour. Nous expliquons que ce n’est pas dans notre fourchette, même si nous en avons un bon coup, et s’il est possible de payer uniquement le parking pour l’après-midi, le temps de faire notre virée : 25 dollars US ! Bueno … gracias y adiós !
* : j’espère que vous l’avez celui-là, car ma femme … non !
Retour au camping-car, nous quittons le site. Arrivés à la barrière, j’impose à Javier le stationnement de notre mastodonte à trois pas de sa guérite de planton, en doublant son salaire pour les quatre prochaines heures. C’est conclu !
Nous y sommes, berceau mythique de la civilisation Inca, lac navigable le plus haut du monde : 3812 mètres d’altitude. Au bord, nous commençons par pagayer dans une soupe opaque et nauséabonde … mais le bord dure.
L’image d’Épinal boit la tasse dans ce réceptacle à déchets toxiques. En bons Uros, nous fuyons l’Incalculabilité des taux de mercure, plomb et autres métaux lourds présents dans ce pot-au-feu andin. Cette fois c’est sûr, il y a le feu au lac !
Nous changeons de cap pour flotter sur la voie large bordée de totoras, matière première essentielle aux constructions des îles, mobiliers et embarcations locales. Nous pagayons tranquillement sous la chaleur du soleil, qui comme le lac est de plomb. Nous arrivons à un péage … oui, vous avez bien lu, un péage !
Nous avons travaillé, pendant ces cinq derniers mois sur ce continent, à éliminer de notre vocabulaire quelques mots complètement absurdes : impossible, improbable, inimaginable, impensable, inconcevable, bon sens, cohérence, rationnel, etc … .
Donc oui, un péage de 8 soles péruviens par personne pour canoter dans ce Disn’Island bradé & pittoresque. En langage SMS : W’île Brad Pitt.
C parti, a nou lé zil an toute liberT. Oups, je déconnecte le mode SMS … .
Nous décidons de nous épargner le folklore surjoué et mettons le cap vers une partie de l’archipel complètement déserte. Nous pagayons où bon nous semble et accostons sur un de ces décors de théâtre de plaisanciers.
Sur ces îles flottantes, le SOL semble se dérober sous nos pieds, alors que sur l’île de RÉ, on est loin de LA MI saison, SI vous voyez ce que je veux dire … . Paroles tirées d’un FADO marin portugais. Petite parenthèse pour l’occasion, mais saviez-vous qu’à l’origine, le Fado est apparu dans les années 1830 des quartiers populaires pour exprimer la mélancolie, la tristesse, la nostalgie et autres joyeusetés du genre. Bien par après, il atteignit la bourgeoisie jusqu’à devenir chant national du Portugal à l’époque du dictateur Salazar.
Le Fado masochisme était né, accompagné d’expressions, proverbes, adages et autres dictons : “Porter son fado”, “Une fille sans fiancé est un fado pour la famille”, “Nul ne doit écouter le fado d’autrui”, etc … .
Je plaisante, il y a de très beaux fardeaux.
Retour à nos Uros. Nous visitons l’île déserte, cinq pas dans un sens, six dans l’autre, une mise en scène identique à toutes les autres aperçues. Nous avons le sentiment d’être sur une tirelire flottante … .
A savoir que chaque année, les habitants coupent des mottes de terres flottantes qui sont ensuite arrimées entre elles et ancrées au fond du lac. Sur cette base sont déposées des couches de totora séchées, le fameux roseau local. Les couches doivent être renouvelées tous les dix jours car elles s’imbibent d’eau au fur et à mesure.
Les nuages approchent, il faut anticiper notre retour. Nous regagnons la voie principale par laquelle repartent les bateaux débordants de passagers. Nous sommes leur attraction de cette fin d’après-midi : ici, point de gringos en canoë, et encore moins gonflable (le canoë, pas ma poupée).
La journée s’achève, nous sommes contents de notre séance de sport nautique enjolivée d’un paysage inhabituel. Nous partons pour Sillustani, un site archéologique pré-inca posé au beau milieu d’un magnifique décor.
Puis la plage de Chifron, pour faire nos adieux au lac Titicaca : promenades, baignades dans une eau enfin claire et suffisamment chaude, école, … .
À bientôt.
Titicaca & environs
5 commentaires
Magnifique très beau texte tjrs et très belles photos ! Merci
merci pour les textes toujours top et les photos! C’est agréable de voyager un peu avec vous. C’est plus exotique qu’ici où tu ne rates rien d’inhabituel : gros clients qui coulent, nouveaux marchés attractifs, pénuries de matières premières, UP & Downs… Emmanuel s’est cassé l’épaule au ski. Et c’est le printemps à Bourbach depuis 8 jours, juste après la Siberie. Continuez à bien voyager ! JM
Magnifique !! Merci de partager tt ça avec ns !
Ah tiens ça me rappelle des trucs tout ça. … profitez bien, le Pérou c’est top !!
Merci Jean Philippe, grâce à toi, j’y étais. Je n’avais jamais entendu parlé de ces Uros. Perso j’ai pas non plus compris Ted, réceptionniste … bravo pour tes textes, tu racontes bien et c’est drôle et instructif. Continuez de nous faire rêver ! Bises.
Laurie