7 ans au sommet
L’étape suivante du Pérou est l’inévitable ville de Cusco et sa Vallée Sacrée.
En route, nous décidons d’ajouter une petite randonnée à notre palmarès, et non des moindres : la montagne aux sept couleurs, la fameuse Vinicunca et sa bute mirador qui culmine à 5 200 mètres d’altitude.
High score à la clé, excitations, incertitudes, les enfants pourront-ils surmonter cela ? Et nous ? Bon, les questions c’est bien, allons chercher des réponses … .
C’est parti pour une piste interminable de 40 kilomètres. L’étroite route serpente dans un paysage somptueux, faisant presque oublier l’état minable et dangereux de la voie. Nous roulons à moins de 15 km/h, le ravin tombe à pic sur plusieurs centaines de mètres par endroits. Il faut placer ses roues au bord du précipice aux seuls endroits où il est possible de croiser les véhicules venant en face.
Au bout de trois bonnes heures de trajet, nous arrivons au point de départ de la randonnée, à 4 480 mètres d’altitude. Un vaste parking, des guitounes de commerçants, le traditionnel terrain de foot, le tout dans un cadre exceptionnel.
Ce sera notre deuxième nuit à une telle altitude, nous avons encore en tête les difficultés de la première. Mais cela fait maintenant plus d’un mois que nous errons à 4 000 mètres, plus ou moins 200 mètres. Nous sommes donc bien acclimatés à ces hauteurs.
Demain, un dénivelé de 720 mètres nous attend, sur cinq kilomètres. Ce n’est pas extrême mais déjà élevé en considérant l’altitude de départ.
Pour nous dégourdir les jambes dans ce paradis, je pars taper le ballon avec Jozeph sur le semblant de terrain de foot qui jouxte le parking.
Arrive l’heure de faire l’école, retour au camping-car.
L’endroit est vide, nous sommes l’après-midi et les randonnées ont lieu le matin. Je tombe sur un péruvien, habit de cowboy (chapeau et santiags compris), qui me sourit de toutes ses … trois dents, en me faisant comprendre qu’il aimerait bien jouer au foot. Bien, je retourne récupérer le ballon.
Pendant ce temps, 8 ou 9 de ses compères l’ont rejoint … les équipes se profilent.
Il est 16h15, tout le monde est sur le terrain, la fourchette des âges est grande. S’en suit une partie assez cordiale : les vétérans, en chaussures de sécurité, sont très avenants. Les jeunes, en baskets fashion, sont froids comme l’air de cette fin de journée de haute altitude.
Ça fuse dans tous les sens, une vraie partie de flipper.
Ce que je craignais arriva : récupérer son souffle après quelques sprints à 4 500 mètres, c’est comme essayer de respirer la tête dans un sac en plastique (n’essayez pas !).
C’est impressionnant de voir l’aptitude des plus âgés, la technique n’est pas là mais la robustesse et le souffle sont au rendez-vous. Dans la douleur, les aînés sourient de leurs trois dents … en or ! Prime d’ancienneté.
Moins d’une heure plus tard, la partie s’arrête. Les seniors semblent finalement épuisés, j’en profite pour retourner au camping-car. Je me pose, enfin … mais on frappe à la porte … il manque un joueur pour la partie suivante.
Par politesse, j’accepte … .
Je retourne sur le terrain. Cette fois, ils sont beaucoup plus nombreux, et tous jeunes, la vingtaine. Là, je comprends pourquoi les joueurs en fin de carrière, entrant dans le dernier quart d’heure du match, font tous un signe de croix en pénétrant sur le terrain … .
C’est parti, ça court beaucoup plus vite, beaucoup trop vite, il me faut trouver une solution : j’emprunte les santiags du cowboy sans dents, et d’un coup d’éperon, je crève le ballon ! Ou alors je passe la ba-balle au chien-chien du village et d’un coup de croc, c’est lui qui m’crève le ballon … . Un chien ou un renard, peu importe, un truc avec des grandes dents quoi !!! Attendez … c’est bon, j’ai trouvé : je vais jouer à la “Rudi Völler”, le renard des surfaces … pardon ? Mais non, ce monsieur ne croquait pas les ballons, voyons ! Plutôt que de courir comme un chien-chien après la ba-balle, il se plaçait judicieusement non loin du but adverse et attendait que le ballon lui passe devant le pied pour marquer un but. Pas bête Rudi, pour un renard !
Donc je me place, et ça paie. De but en blanc, j’enquille but sur but, tel un érudit voleur de grandes surfaces … oh punaise, elle est tirée par les poils celle-là … une blague de footballeur quoi !
Sur une énième relance, je récupère le ballon, fonce tête baissée en direction du but quand tout à coup, je me prends un camion en pleine face, sans ses feux !!! J’ouvre les yeux … en fait, ils avaient fait entrer un nouvel arrière central : 1m60 de haut, 1m60 de large, 1m60 de profondeur … sans la remorque ! En tenue du parfait ouvrier de voirie, avec encore ses bottes en caoutchouc !!! Une chance qu’il ait laissé pelle et pioche sur la touche.
Je me relève, esquisse un sourire exprimant ma pensée : klaxonne la prochaine fois ! Il sourit également : cinq dents, trois en or et deux en argent … oh punaise, un gradé …. c’est le capitaine de l’équipe, le chef du village !
Il est 18h00, la partie est interminable. Je n’en peux plus. J’entame une danse de la pluie, rien !
Par chance mais surtout défaut d’éclairage, le match finira à la tombée de la nuit. Plus de deux heures à courir à cette altitude, je suis chaud pour demain mais raide pour ce soir.
À noter que ce 21 juin, jour de l’oignon du calendrier républicain, la France rencontrera le Pérou en match de Coupe du Monde. Alors Didier, pour reprendre un idiotisme botanique de notre chère langue : si tu ne veux pas l’avoir dans l’oignon, fait courir tes asperges en bottes ! C’est la clé, Deschamps, c’est la clé du succès !
Réveil réglé sur 6h00 du matin pour profiter d’un sentier désertique.
Au petit matin, tout le monde est fin prêt. Je n’ai dormi que quatre heures : insomnie des hauteurs. Une banane, un verre d’eau, on engloutira la suite plus tard.
C’est parti pour 10 kilomètres de marche dans la puna péruvienne. La récompense à mi-course : un paysage en 7 couleurs à 5 200 mètres d’altitude.
Le parcours démarre par un long plat, Isaac commence à psychoter … il a mal ici, puis là, et encore là. “Avance, ça passera“. En fait, il se met la pression : à chaque randonnée annoncée comme difficile apparaissent les mêmes symptômes.
Et effectivement, un petit quart d’heure plus loin, il fonce en tête tel un diesel arrivé à température. Oui c’est vrai, la comparaison manque de poésie, c’est une … trêve délibérée d’inspiration (TDI).
Je dois le rattraper, laissant Manue et Jozeph à la traîne. Nous arrivons au panneau 4 838 mètres, nous sommes plus haut que le Mont Blanc et je sens que la fierté monte en lui. Nous nous faisons rattraper par un couple de jeunes, à cheval !!!
Allez, courage, plus que deux gros kilomètres. Ça grimpe de plus en plus, Isaac ne montre pas de signes de fatigue. Quelques gorgées d’eau et nous continuons notre ascension, nous arrivons au point où les chevaux s’arrêtent : c’est la partie la plus difficile du parcours. Hop un défi : rattraper les deux jeunes flemmards qui ont fait la montée à dos d’équidé. En moins de deux, nous les avions repris, et laissés sur place : plus rien n’arrête Isaac.
200 mètres plus bas, Manue tire Jozeph, ou l’inverse … ce n’est pas très clair vu d’en haut.
Nous passons les 5 000 mètres, le ciel se couvre, nous nous activons car nous craignons de voir la montagne se cacher dans les nuages. Déjà les couleurs se révèlent, le paysage est grandiose.
Le parcours est bien encadré, les footballeurs de la veille sont en fait les gardiens des lieux. Tous les jours, ils grimpent à 5 200 mètres … . Nous arrivons à la base du mirador, plus qu’un dernier effort. Isaac fonce, d’ici on ne voit plus Manue ni Jozeph.
En moins de deux heures, nous finissons le parcours. Nous sommes seuls au sommet du Mirador, face à la montagne Vinicunca et à un panorama de 360° époustouflant. Grand moment, plein de couleurs : oxyde de fer, sulfate de cuivre et souffre colorent les reliefs alentour.
Une grosse demi-heure plus tard arrivent Manue et Jozeph, en même temps que la neige !
Manue souffre, sans pour autant colorer les lieux … elle doit descendre d’une bonne centaine de mètres pour récupérer.
Jozeph, du haut de ses 7 ans, face aux 7 couleurs me dit : “la prochaine, ce sera plus de 6000 mètres d’altitude !”. “Oui mon p’tit gars …” lui fis-je en songeant “comment vais-je pouvoir les féliciter plus tard, d’une marche dominicale dans les sentiers vosgiens de basses altitudes …”
Voilà, nous repartons contents, fiers, nos têtes remplies d’images et de couleurs minérales.
Dans la foulée, on se tape les 40 kilomètres de pistes exécrables, histoire de bien dormir ce soir.
Plus de 90 photos prisent sur la route, la piste d’accès et bien évidemment la randonnée. Difficile de faire des choix, je garde celle-ci, je jette celle-là … alors je mets le paquet !
Vinicunca
10 commentaires
Si ma mémoire est bonne, c’est aujourd’hui et je viens de voir qu’elle est confirmée par ma cousine… Joyeux anniversaire Jean Philippe! La partie de foot, j’y étais, tu écris vraiment bien! Et bravo à tous pour ce sommet!
Bises
Merci. Ah … tu y étais ?! Je ne t’avais pas vu … Ok, je sors … .
PS : ce n’est pas la bonne Clarisse, donc pas ta cousine sur ce coup.
Bye.
quelle jeunesse footbalistique ! Joyeux Anniversaire
Merci ! Mais attention … on ne se moque pas !!! 😉
Bonjour Jean Philippe
Je voulais te souhaiter un bon et joyeux anniversaire
Plein de bonnes choses
Raphaël
Merci Raphaël. A bientôt.
Bravo pour vos exploits et félicitations pour les superbes photos. Mamie et René
Génial !! Très belles photos,merci de nous faire rêver et bravo les petits !!
magnifique tes photos comme d’hab, un de mes rêves le Pérou, bon voyage encore
ah, un 5000, c’est génial, bravo… j’avais pas 7 ans quand je l’ai fait, et j’ai pas couru pour monter…. wouaou ils m’épatent les petits (grands!!) dire que le mien rechigne à monter à l’école tellement ça grimpe ….