Paso de Ollagüe
Il est l’heure de faire nos adieux au Chili, et par la même occasion à l’Argentine, nous n’y retournerons plus.
Près de 15 000 kilomètres réalisés dans ces 2 pays, sur plus de 4 mois. Nous partons pour la Bolivie, vers un dépaysement garanti.
Nous décidons de prendre la route du Paso de Ollagüe, au départ de San Pedro de Atacama pour rejoindre Uyuni en Bolivie. Env. 420 kilomètres où l’on rejoint progressivement l’Altiplanico, pour une altitude de 4000 mètres +/- 400 mètres.
La route côté chilien, c’est du bonheur. Bien roulante et de bonne qualité, nous arrivons assez rapidement à quelques kilomètres de la frontière bolivienne. Un contrôle de police nous informe que nous ne pouvons continuer à rouler avant demain matin. Les fortes intempéries ont créé des éboulements, des travaux sont en cours. Nous dormons face à une vaste pleine truffée de volcans aux cimes enneigées. Dure la vue au réveil !
Nous reprenons la route au cours de la matinée pour arriver tranquillement sur le village d’Ollagüe, au pied du volcan du même nom. Un des plus actifs du pays, qui en son centre fait frontière avec la Bolivie.
Une petite halte photos dans le village, hors du temps, hors de tout d’ailleurs ! Nous passons la frontière assez facilement, car très peu de monde ici. Côté administratif, on sent que le flegme bolivien est au sommet de sa forme.
Mais nous y sommes ! C’est parti pour les routes … aïe … les pistes boliviennes, et à première vue, le trajet sera long. Pour les paysages, ça ne change pas du Chili : grandes étendues et volcans à gogo. Les enfants sont blasés : “Regardez là-bas, encore un volcan !” … “Oui oui …”. Idem pour l’altitude : “On passe les 4200 !” … “Oui oui …”.
Ça se confirme, la piste est mauvaise et nous roulons lentement, très lentement. Le panorama est là pour nous consoler. Après quelques heures, la route est de pire en pire, un camion s’arrête au loin. “Tiens, celui-ci nous laisse le passage … bizarre …”. Nous devinons 5 ou 6 silhouettes sortir du camion et plus nous approchons, plus nous comprenons que toutes tiennent un énorme fusil en main. “Ok … bien bien bien … “.
C’est la police bolivienne, en masse, armée jusqu’aux chicots. On nous fait signe de nous mettre de côté, l’ambiance est ultra tendue. Nous sommes en tête, suivi d’un bus et d’un pick-up. Les policiers sont en tenue de commando, un d’entre eux se poste devant nous en tenant fermement et nerveusement le chargeur de son joujou. On ne comprend toujours pas ce qu’il se passe.
Un gradé vient enfin à nous, les traditionnelles questions s’enchaînent : d’où viens-tu ? où vas-tu ? Qu’est ce qu’on mange ? Ah non, la dernière, c’est plutôt les garçons.
“Et bien pour ta curiosité, nous venons du Chili qui est l’unique possibilité derrière nous, et nous allons à Uyuni, qui est l’unique destination devant nous. T’es pas du coin toi, non ?”
Nous avions un petit jeu, quand nous étions du côté d’Iguassu et Argentine centrale, de répondre à la question “Où vas-tu ?” par “Ushuaïa”. Je ne saurais vous décrire la tête des policiers, qui à chaque fois s’attendaient à une destination très proche. Parfois, nous donnions une ville à seulement 300 kilomètres : bingo, connaît pas sa géographie le bougre !
Donc petit conseil aux voyageurs d’Amérique du Sud, quand vous apercevrez un contrôle de police sur votre route, trouvez les noms des villages de devant et derrière vous, ce sera beaucoup plus simple.
Trêve de digression oiseuse, revenons-en à nos poulets. L’officier observe une canette aux couleurs d’une boisson caféinée bien connue, posée dans mon porte-gobelet et me fait : “ Cerveza ? “ … “ No, whisky-coca, es mejor !”. Soit il est autant daltonien que moi, ou alors je ne comprends pas.
Un contrôle des papiers s’enchaîne, carte grise, permis, etc … . Il prend le tout, fait semblant de les lire, et passe devant le véhicule pour finir chez Manue. De là, il aperçoit nos deux niños : le premier, au sourire rêveur à la vue du gros calibre accroché à son ceinturon en cuir de vache bolivienne, l’autre … faisant une tronche de puni à vie de tout alors que “C’est même pas moi qu’a fait ça !”.
Nous lisons instantanément sur le visage de l’agent que quelque-chose ne va pas, je comprends et me tourne vers l’arrière : Isaac est rouge comme son short. “Souris Isaac, souriiiis !”. Rien !
Le cowboy reprend (on va le faire en français) : “Bon … ouvrez-moi le véhicule, je dois fouiller.“
“Attends mon grand, nous sommes à 80 bornes désertiques de la frontière, où tes confrères douaniers nous ont déjà contrôlé papiers et véhicule. Tu as devant toi un gros camping-car français abritant papa, maman et enfants, et tu penses que tu vas t’offrir la prise de l’année ? De quoi, feuilles séchées de quinoa bio andin ? Demande à ton congénère de baisser son fusil rouillé de notre nez, on va finir par choper le tétanos.”
Il entre, Manue accueille le con-vive. Il ouvre quelques placards, s’attarde sur une bouteille d’eau, nous demande si l’on transporte des armes et substances illicites. Je lui réponds qu’il traumatise mon fils, avec toutes ces armes pour un simple contrôle de routine. Mais en vain, l’individu ne parle pas anglais. Alors Manue tente de calmer la situation, en sortant une carte routière et en lui demandant si la direction d’Uyuni, c’est bien tout droit … . “Manue, qu’est ce que tu fais ? Il n’y a qu’une seule foutue route dans cette pampa sommitale !”.
Le militaire fait de nouveau semblant de lire la carte, Manue comprend que ce n’est pas la bonne car pas assez de détails, retourne dans la cabine pour une de meilleure échelle, saisit cette dernière et là, moi, excédé par la situation et n’ayant pas bougé le moindre centimètre carré de fesse de mon siège conducteur lui dit :”Stop, lâche cette carte qu’il dégage rapidement ses grosses rangers de notre plancher !”
Le message est passé, John Rambo est parti bredouille, arrachant à ses lèvres un sourd “buen viaje”.
Sur le fond, je n’ai rien contre les contrôles policiers. Mais là, c’est la forme qui m’a sévèrement agacé : autant de gugus nerveusement armés pour s’assurer que nous sommes en droit de conduire un véhicule en règle … .
Pour finir, nous arriverons le lendemain sains et saufs sur Uyuni, direction le cimetière des trains. Mais bon sang Isaac, la prochaine fois, souris !
5 commentaires
j’ai bien aimé les lamas . Jeanne .
De nos jours il vaut mieux passer ce genre de frontières en RS6 coffre chargé à bloc bas de caisse frottant le sol plutôt que de jouer la petite famille sans histoires avec un CC plein de cartes.
T’as pas pris de photos là hein pendant ce moment épique ! batterie du samsung vide c’est ça ?
Salut,
Je dois pouvoir trouver quelque-chose dans la caméra installée derrière le pare-brise. Il faut que je fouille un peu !
Bye
T’as raison Isaac !! Nan ms allo quoi !
Oh la la le pauvre Isaac il aura tout vu….