La Paz, Capitale des hauteurs
La Paz, 21 février 2018.
C’est justement par les hauteurs que l’on arrive sur cette Capitale sans se douter un moment de ce qui nous attend.
Peu de kilomètres séparent Cochabamba de La Paz, mais la route est longue : 50 kilomètres de travaux nous ralentissent sur cet altiplano quasi-désert.
Les derniers kilomètres se font confortablement sur une imitation d’autoroute, où 80 km/h est là vitesse maximum autorisée. De quoi inspirer notre gouvernement pour de prochaines mesures lucratives. Des bâtisses couleur brique se multiplient, des nuages de poussière et une circulation chaotique nous annoncent l’approche d’El Alto : nous sommes à 4100 mètres au dessus du niveau de la mer, où vivent près d’un million de personnes dont 80% d’indiens aymaras.
La traversée de cette banlieue d’altitude est interminable. Au bout, l’aéroport et son parking surveillé nous attend. Oui, nous expérimentons un nouveau mode d’hébergement touristique : les parkings sécurisés. La raison ? Nous avons reçu un avertissement du Fil d’Ariane : des manifestations dans tout le pays sont prévues pour demain et il est fortement déconseillé de se déplacer dans le pays, d’approcher les grandes villes et la Capitale. Là, vous vous dites “Tu cherches les emmerdes mon coco !”. Il faut relativiser, cette situation est somme toute routinière dans ce pays. Puis l’aéroport est à l’écart de la ville, donc sûr pour nous et le véhicule.
La raison de ces manifestations : demain c’est l’anniversaire du référendum du 21 février, où Evo Morales avait essuyé un échec en 2016, visant à modifier la Constitution pour lui permettre de briguer un quatrième mandat. Le Tribunal constitutionnel a estimé que le droit à briguer librement une fonction était supérieur aux limites imposées par la Constitution, d’où sa nouvelle candidature pour 2020 – 2025. Garcimore s’est retourné dans sa tombe !
Nous n’avons encore rien aperçu de La Paz, les nuages ont décidé de nous faire patienter en voilant le décor.
Après un nuit bien arrosée par les orages de saison, nous décidons d’y aller, pour voir voler les pavés et brûler les barricades … . En fait, non, c’est le seul jour de la semaine où le temps nous permet de visiter cette Capitale. Nous éviterons, dans la mesure du possible, les quartiers occupés par les manifestants.
Nous prenons un colectivo pour nous approcher de la ville. Un colectivo, c’est une alternative moins chère aux taxis. Ils partent uniquement quand ils sont pleins … bien pleins … trop pleins ! Pour un contact avec les locaux, on ne peut faire mieux. Nous ne ferons finalement qu’un gros kilomètre car les boulevards sont bloqués de partout. Nous sommes toujours dans El Alto et continuons à pieds jusqu’à la station des téléphériques.
Pour se déplacer à La Paz, le meilleur moyen consiste à emprunter les lignes de télécabines, en place depuis 2014 et franchement idéal pour parcourir cette gigantesque ville pentue. Grenoble en plein altiplano bolivien !
Une fois dans sa cabine, on plonge dans cette métropole comme dans les abysses d’une immense cité engloutie. Survoler cette multitude d’habitations aux allures frêles, ne laissant plus le moindre centimètre carré de possibilités, est vraiment magique et complètement surréaliste.
Nous sommes comme hypnotisés par cette immensité, ne sachant plus où regarder dans ce panorama vertigineux et complexe : cimes enneigées, quartiers pauvres, immeubles, cimetières, vestiges coloniaux, tout défile en total désordre sous la cabine de la Linéa Roja.
Une fois les pieds sur terre, La Paz prend une autre dimension, ou plutôt d’autres dimensions. On s’aventure dans les ruelles en pente, où les vieux bus s’essoufflent en crachant leurs particules telle la locomotive du Flying Scotsman en pleine vitesse. Nous descendons à 3650 mètres d’altitude, mais l’oxygène se fait encore rare. Ici, on se déplace lentement, en grimaçant, au rythme imposé de cette raréfaction. On s’arrête pour reprendre son souffle, puis on repart. On s’assoit également, beaucoup, on s’adosse aux portes et aux murs défraîchis par l’érosion de la vie et des messages de propagandes révolutionnaires.
Justement, aujourd’hui on est venu à La Paz pour manifester en nombre. Le cortège s’étale à n’en plus finir dans les avenues tissées de fils électriques. Paysans et cholitas défilent pacifiquement, en jolis costumes traditionnels pour l’occasion, offrant un beau carnaval à nos yeux d’occidentaux. Aujourd’hui, le temps s’est arrêté dans la Capitale.
Au même moment, se mettent en place des manifestations dans toute la France à l’appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs pour exprimer leurs inquiétudes sur l’accord Union Européenne / Mercosur … . Chers éleveurs, opposez-vous à l’exportation des viandes bovines sud-américaines sur nos terres. Ici, il nous est impossible de trouver de belles pièces de boucherie, toutes destinées au marché européen. Franchement Stéphane, ça part de Travert … . Et ce n’est pas en allant écouter des complaintes de pêcheurs à Boulogne-sur-Mer, que l’on se rassasiera avec des travers de ports.
Dans les rues commerçantes, une multitude de marchands ambulants vous vendent de tout : fruits, céréales, plantes médicinales miraculeuses, gadgets Hi-tech de contrebande, smartphones, empanadas, foetus de lama, feuilles de coca, vêtements, etc … .
Le bruit de la circulation se fait doucement entendre en cette fin de journée, les manifestations ne dureront pas dans la Capitale, la vie des 3 millions d’habitants de La Paz et environs reprend son cours. Retour progressif au chaos.
Il est temps pour nous de rejoindre El Alto, complètement charmés par cette ville d’un autre temps. À La Paz, on a fait la paix avec cette Bolivie si hostile.
Quelques 80 photos de cette ville et ses occupants. Alors prenez le temps, arrêtez-vous, asseyez-vous et adossez-vous … bien … vous faites de parfaits Pacéniens !
4 commentaires
ça doit vraiment être dingue d’arriver dans une ville comme celle ci. on dirait une termitière !
Bravo pour tes textes Jean-Philippe !
Merci ! Ouf, ça plaît à une personne !
Impressionnant !! Très très belles photos !