La nuit au musée
Il est tard, nous sommes dans les environs de la ville de Medellín après une pénible traversée de cette dernière. Heure de pointe où pullulent les deux roues motorisés, itinéraire plus adapté à un alpiniste qu’à un véhicule vu la raideur des coteaux de cette métropole.
La nuit tombe, toujours trop tôt en Colombie. Notre destination se trouve à cinq kilomètres par une petite route ou une quinzaine par une autre théoriquement bien meilleure. Je m’engage dans la voie la plus courte où un panneau d’interdiction au plus de 3,5 tonnes m’annonce que ça risque d’être “serré”.
Sur le papier (carte grise), ça passe. En réalité, c’est juste … il ne faudra pas rencontrer d’autres usagers. Là, Manue me dit “À cette heure-ci, on ne devrait pas croiser grand monde !”
À cette phrase, je comprends que l’on va méchamment ramer pour faire ces cinq petits kilomètres de réseau secondaire. Pour ceux qui lisent en diagonale, nous ne sommes pas en canoë mais dans notre gros paquebot qui bientôt va coudoyer la moitié des 2,5 millions d’habitants de La ville de Medellín.
Au volant, il faut noter que le colombien est le cousin très proche du péruvien : pas la moindre anticipation et une vague notion du code de la route. Ici aussi, on achète son permis de conduire. Cela dit, le danger vient généralement des bus et camions, rarement des autres automobilistes paralysés par le danger venant … des bus et camions. Vous suivez ?
La tension monte, nous enchaînons les croisements au millimètre quand au cours d’une énième joute, l’impatiente BMW de derrière entame un dépassement et s’arrête à notre niveau, bloquant sur-le-champ la circulation.
“Mais c’est quoi cet imbécile avec sa grosse BM de narcotrafiquant ! Il va bouger sa charrette teutonne de là, oui ?!” La vitre arrière ultra fumée s’éclipse dans la portière pendant qu’une tête de fillette souriante apparaît. La vitre avant d’une opacité identique descend à son tour laissant surgir le même visage à peine vieilli d’une trentaine d’années supplémentaires. La jeune fillette me parle mais la fatigue et mon impatience libèrent spontanément mes deux mots de vocabulaire généralement destinés aux forces de l’ordre : ¡No entiendo!
Sous-titré d’un “Merci de demander à ton cher papa de rapidement bouger sa grande weißwurst bavaroise !”
L’amateur de grosses allemandes se faufile devant nous, rendant enfin possible le trafic nocturne de cette voie étriquée.
Plus loin sur le parcours, la péniche munichoise se tient sur le côté, feux de détresse allumés, la tête et les bras de la niña s’agitant frénétiquement au travers de la portière.
La galopine capricieuse a su freiner les ardeurs du Schumi des coteaux Medelliniens.
Je me résigne à accepter son souhait : une simple visite de la maison roulante au drapeau tricolore.
Mère et enfants montent à bord, pendant que le pilote du bolide s’approche de moi pour discuter le bout de gras. Il s’appelle Richard, me félicite d’être champion du monde de football et me demande où nous comptions passer la nuit. Je lui explique que nous allons nous poser au village suivant, sans idée précise du lieu exact. Alors il nous invite fièrement à passer voir son “petit” château, j’accepte sans la moindre hésitation. La présence juvénile franco-colombienne est à son degré maximum d’excitation.
Nous suivons la berline rabaissée jusqu’au portail en fer forgé du domaine “La Puerta del Sol” où un démontage de la caméra de surveillance sera nécessaire pour permettre le passage de notre mastodonte. Ici, on ne recule devant rien pour accueillir l’étranger.
Nous nous garons devant la propriété qui dans la nuit nous dévoile une partie de son excentricité, mais surtout nous masque temporairement l’incroyable vue sur “Medellín by night”. Nous sommes sur les hauteurs, avec une vue directe sur la deuxième plus grande ville de Colombie.
Nous poussons la lourde et grinçante porte de monastère vieille de quatre siecles qui mène directement dans un patio orné d’antiquités en tout genre. Chaque pièce du château renferme des collections ahurissantes d’objets, de mobilier, de tableaux et autres babioles diverses. Même les chambres d’enfants regorgent de vieilleries bien sympathiques.
Nous sommes au musée, Richard est un collectionneur averti.
Nous dormirons au château et serons traités comme la famille par le personnel des lieux. Nous n’avons pas trop abusé de la situation, non … enfin … nous sommes restés cinq nuits , mais uniquement par pure politesse !
Chaque jour, Richard nous sortait des objets les uns les plus insolites que les autres.
De jour, la vue sur Medellín est également d’une grande beauté, changeante à chaque instant : de 5h00 du matin au levé du soleil, à 18h00 le soir où d’autres couleurs poétisent l’instant.
Richard à cinquante ans, gère des parkings sur Medellín et est atteint de la maladie de Parkinson. Aucun rapport de cause à effet, c’est moche mais c’est la vie.
Ce fut une rencontre inattendue, comme la plupart dans ce pays, somme toute bien singulière.
Merci.
La nuit au musée
1 commentaire
Un château de dingue ! Vous n’avez pas fait de photos d’eux ?